
Les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris2024 ont été qualifiés par l’ensemble de la presse écrite nationale et internationale comme une innovation organisationnelle profonde, mais également un vecteur puissant de redéfinition des grands événements sportifs internationaux (GESI).
D’ailleurs, The New York Times a exprimé qu’il s’agit de «l’ambition française sans compromis, marqué par 16 jours remarquables des Jeux olympiques, un miracle de planification et d’exécution minutieuse»
Source: Closing Ceremony of Paris Olympics Is Set to Cap a Triumphant Games – The New York Times
Ces beaux éloges provenant des plus grandes publications n’auraient pu être possibles sans un pilotage du changement expert et une gouvernance organisationnelle rigoureuse à chacune des étapes de la transformation.
Dans cet article, vous découvrirez comment réussir un changement organisationnel profond, grâce à l’étude du cas Paris 2024.
La gestion du changement évènementiel: mise en contexte des Jeux olympiques
Les grands événements sont contestés en raison de leurs impacts écologiques et leur utilité réelle dans une société déjà en difficulté politique et sociétale. Dans ce contexte tendu, les JOP faisaient face à un fort risque de rejet de part de la population tout comme des acteurs politiques concernés.
Conscient des défis de notre société actuelle, le comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (COJOP) de Paris 2024 a choisi de faire face à ces doutes légitimes en proposant un nouveau modèle événementiel performant et innovant.
Ce modèle de gestion évènementielle responsable pourrait d’ailleurs être repris par les prochains comités qui organiseront les Jeux d’été, d’hiver ou même de la Jeunesse.
Notre objectif consiste donc à répondre à deux questions majeures, à savoir:
- – Quel est le nouveau modèle organisationnel proposé par le comité Paris2024?
- – Et comment le comité a-t-il conduit ce changement organisationnel profond ?
Changement organisationnel profond aux Jeux olympiques: un nouveau modèle innovant et performant
Le nouveau modèle proposé par le COJOP s’articule autour de deux grandes dynamiques, à savoir: prendre conscience de son impact sur la société, et le maîtriser.
Paris2024 a souhaité s’inscrire dans une démarche durable, en opposition même à la dynamique classique d’un événement sportif, qui est par nature éphémère.
Afin de mettre en œuvre un héritage durable et positif, le comité devait d’abord calculer son impact et ceux de ses parties prenantes, puis les contrôler en faisant la mise en place de nouvelles pratiques collectives et durables.
Élaborer un plan de projet de changement flexible axé sur l’amélioration continue
Le premier élément de réponse se trouve dans la question de l’héritage. Le modèle habituel des GESI consiste à produire ledit événement, puis, dans un second temps, analyser l’impact écologique, sociétal, économique et politique. Cette méthode a souvent conduit à des effets indésirables tels que :
- – Des dépenses excessives et incontrôlables pour les collectivités et parties prenantes
- – Une empreinte carbone démesurée
- – Un contexte social dégradé qui découle souvent d’emplois précaires
Le COJOP a construit son organisation en prenant le contrepied de cette problématique. Au lieu d’analyser l’impact après l’événement, celui-ci est planifié en amont et réévalué régulièrement.
Cette réévaluation constante permet d’ajuster les hypothèses initiales prises et adapter les décisions prises en cas d’écart avec le plan initial.
Le saviez-vous ?
La mise en œuvre du changement organisationnel aux JOP: une gestion maîtrisée de l’impact final et une volonté de s’appuyer sur des ressources existantes adéquates. Afin de répondre aux fortes exigences que le COJOP s’est lui-même imposés, plusieurs actions ont été réalisées telles que:
- – Limiter les constructions en utilisant des lieux déjà existants et demandant peu (ou aucune) de transformation
- – Trouver une seconde vie à tous les éléments mobiliers (du matériel sportif offert aux clubs en difficulté ou aux gymnases des écoles) et immobiliers (ex : le village olympique qui devient une résidence étudiante) qui seront créés à cette occasion
- – Créer des bassins d’emplois dans des secteurs défavorisés
- – Limiter le budget global de l’événement en favorisant la sobriété de l’événement
Mettre en œuvre le changement organisationnel grâce au modèle EDM
Le comité ne s’est pas arrêté à son impact sur l’environnement extérieur. Il s’est également intéressé à son environnement interne en y apportant le modèle EDM (Event Delivery Model). Le principe est résolument efficace: déléguer en partie ou en totalité la gouvernance d’un site de compétition à un expert qui possède déjà les compétences nécessaires.
À titre d’exemple, quel meilleur lieu que Roland Garros pour un évènement de compétition de tennis? Paris2024 a choisi de déléguer l’organisation de la compétition en attribuant à la FFT (Fédération Française de Tennis) le statut de « event delivery entity » (EDE).
La montée en compétence mutuelle des équipes FFT et Paris2024 que l’on a pu observer s’est avérée plus fluide et rapide, en comparaison d’un modèle d’apprentissage classique descendant.
Plus de la moitié des sites de compétition ont été opérés par des EDE, se lançant le défi de repenser leur modèle opérationnel habituel pour s’aligner sur les attentes de Paris2024.
Les retours d’expériences collectés à date sont profondément positifs, notamment en pointant la qualité des échanges et la montée en compétences plus fluide des équipes. Ce modèle de gestion de projet pourrait être repris par les futurs comités d’organisation sportifs comme Alpes2030 ou Milano-Cortina26.
Savoir engager les parties prenantes dans la conduite du changement
Quand la réflexion de l’héritage s’est engagée, la question de la pérennité s’est également posée. Le COJOP voulait que ses valeurs et actions perdurent, afin de créer une transformation organisationnelle profonde au sein de la société, et pas seulement dans la sphère événementielle elle-même.
«Mais comment inscrire dans le marbre un tel changement?» Il faut savoir s’entourer des acteurs externes clés, répond Paris2024.
Engager les collectivités territoriales
Les premiers concernés furent les collectivités territoriales, notamment celles extérieures à la capitale dans une logique de décentralisation et d’inclusivité.
Cette démarche s’illustre notamment à travers:
- – La délocalisation de certaines épreuves sportives. Par exemple, le canoë-kayak à Vaires-Sur-Marne ou le hockey sur gazon à Yves-Du-Manoir.
- – Des dispositifs nationaux tels que « Terre de Jeux », proposant des animations partageant les valeurs des JOP sur le territoire français.
Engager l’État
Le deuxième acteur clé est bien évidemment l’État. Le comité a pu influencer des politiques nationales internes en collaborant avec les ministères de l’Éducation, du Sport ou même de la Culture.
Le programme «Génération2024» en est un bon exemple. Il avait pour but de développer des initiatives socio-éducatives comme le projet «30 minutes d’activités sportives par jour» rendant obligatoire la pratique sportive quotidienne dans les écoles primaires afin de lutter contre l’obésité, la concentration et l’exclusion sociale.
Engager les partenaires commerciaux
Enfin, la dernière partie prenante majeure à inclure sont les partenaires commerciaux, qui représentent à eux seuls plus de 30% du budget global des JOP. Le comité s’est permis de fixer des contraintes écologiques et durables à des géants de l’industrie comme Coca-Cola ou Sodexo afin de réduire l’empreinte carbone de l’événement.
Parmi ces différentes mesures, nous retrouvons notamment l’obligation de recycler les contenants vendus ou encore l’obligation de fournir une alimentation bio, en circuit court et en majeure partie végétarienne.
En prouvant à des entités extérieures la faisabilité de cette transformation organisationnelle, le COJOP incite les parties prenantes à poursuivre ces pratiques lors de futures collaborations, ce qui permet donc d’ancrer profondément la démarche de Paris2024.
Les clés de réussite de la conduite d’un changement organisationnel fluide et efficace
Peu importe le type de changement organisationnel, ils demandent un pilotage assuré de la part du capitaine de navire. Mais quels sont les éléments qui ont permis au capitaine de réduire les résistances au changement et d’assurer efficacement le changement sans risquer le naufrage de son équipage?
Ils se résument principalement en 3 valeurs parfaitement implémentées par les équipes dirigeantes du comité, à savoir : anticipation, transparence et inspiration.
L’anticipation comme réponse à l’inquiétude
En effet, ce nouveau modèle organisationnel a été longuement analysé. Ses potentiels impacts ont été largement étudiés afin de planifier au mieux la solution proposée et de ne pas être dépourvus de réponse au moment où les premiers doutes commenceraient à surgir.
Habituellement, l’une des premières résistances rencontrées dans la conduite du changement est l’inquiétude des équipes face à l’inconnu, ce qui conduit irrémédiablement à une forte réticence. Ce frein s’explique principalement par deux biais.
- – Soit les équipes se sont parfaitement habituées au système actuel, et il sera donc plus facile de poursuivre leur activité sur un système déjà maîtrisé
- – Soit la nouvelle organisation proposée est perçue comme un futur échec ne répondant pas au besoin.
Le comité des athlètes
L’une des manières de s’assurer que le modèle ne serait pas un échec, et donc confirmer l’intérêt de celui-ci s’est traduite par la création d’un «comité des athlètes». Il s’agit effectivement du premier public concerné, et ce sont donc leurs besoins qui doivent diriger la plupart des choix stratégiques.
Un panel d’athlètes venant de différentes disciplines et continents a donc été constitué pour répondre à des besoins de consultation et confirmer que les hypothèses qui étaient prises correspondaient bien aux réels besoins des athlètes, apportant donc davantage de cohérence globale au modèle final.
En planifiant en amont les solutions aux inquiétudes qui pourraient surgir, la présentation de ce nouveau modèle rencontre moins de résistance. Il suscite peut-être même la curiosité de l’essayer en supposant qu’il s’agit finalement d’un modèle gagnant.
L’anticipation du comité — en interne et en externe
Cette anticipation du comité, nous la retrouvons d’abord en externe. Elle se trouve dans des matrices de risque détaillées et des enquêtes terrain poussées qui mettent à contribution les professionnels du secteur, afin d’identifier les principaux dangers et solutions envisageables.
Cette anticipation se poursuit également en interne en proposant des ateliers boostant la motivation des salariés (rencontre avec les athlètes, figurant de test pour les cérémonies, temps d’échange avec la direction, etc.) avant que le besoin s’en fasse ressentir ou que les débats publics s’enflamment, afin d’y être mieux préparés.
La transparence pour faciliter la compréhension
Ces temps d’échange avec la direction s’inscrivaient également dans une deuxième dynamique, celle de la transparence. Elle constitue le deuxième vecteur d’un processus de changement bien mené. Ces échanges honnêtes et réguliers permettent de briser une autre barrière à la conduite de changement: le manque de compréhension des attendus et de vision claire du procédé pour les atteindre.
Une communication claire et efficace a permis aux salariés de connaître les objectifs et d’avoir les clés de réussite pour les atteindre. Il en va de même pour les partenaires commerciaux et étatiques qui s’étaient également engagés à suivre ces mêmes objectifs.
Si la transparence est correctement respectée, alors les équipes connaissent leur feuille de route et donc un climat de confiance et de responsabilisation peut naître.
Ce fut le cas dans le cadre des JOP où une partie des compétences étaient confiées à des experts. On retrouve notamment ceci dans le cadre des marchés EDM (« Event Delivery Model », ex : compétition de Roland-Garros) passés avec différentes entités, leur déléguant ainsi tout ou partie de l’organisation d’événement. La transparence facilite un climat de confiance, et incite les acteurs à croire au projet, en devenant eux-mêmes sponsor.
Par exemple, Paris2024 prenait l’habitude de partager en interne des informations qui seraient communiquées à la presse, et ce quelques heures ou jours avant que celles-ci ne soient publiées. Cette pratique permettait aux collaborateurs de se familiariser avec les nouvelles informations, de se les approprier et de rebondir si nécessaire. L’ensemble de ces pratiques permettent une conduite du changement plus fluide et plus engagée tout au long du processus.
L’inspiration pour ancrer l’engagement
Le dernier élément clé est celui de l’inspiration, du leadership et du sponsoring. Quand une entité souhaite mettre en place des changements organisationnels profonds, il est difficile de les mener seuls. Comme le dit si bien le proverbe «seul on va plus vite, ensemble on va plus loin».
L’importance du Sponsoring
Par conséquent, le sponsoring est essentiel, car il permet de confirmer l’intérêt et la viabilité du projet qui est mené, tout en motivant les équipes à suivre la démarche grâce à un ou plusieurs leaders dynamiques.
Cette démarche est celle qui a été entreprise par Paris2024 par deux axes essentiels:
- – S’être entourés d’acteurs clés
- – Avoir transformé chaque collaborateur en sponsor
Alignement entre autorités publiques et les ressources de Paris2024
D’un côté, les valeurs portées par le comité s’alignaient avec l’engagement pris par les autorités publiques (Les Accords de Paris sur le climat, les politiques de revalorisation de zones en difficulté, etc.). De l’autre, les autorités publiques pouvaient s’appuyer sur les ressources de Paris2024 pour accélérer des chantiers en retard. Par exemple le transport parisien et répondre à des problématiques sociétales sous-jacentes comme le manque d’unité au sein de la population, le manque d’inclusivité, etc.
Les autorités publiques et Paris2024 sont donc devenus des alliés naturels. Un tel duo a facilement pu emmener d’autres acteurs clés du secteur privé (LVMH, Coca-Cola, Air France, AirBNB, Visa, etc.) en adoptant une posture innovante et inspirante.
Motiver les parties prenantes externes à croire à ce projet titanesque n’était pas la seule étape, il fallait également faire monter sur ce bateau les salariés et le public.
Engager les salariés et le public
Grâce à une planification exemplaire, un fort niveau de transparence et de nombreuses techniques de motivation, les salariés ont été les premiers à croire à ce modèle et à diffuser leur envie de voir ce projet se concrétiser à leurs proches, qui a par effet boule de neige s’est progressivement répandu à un public plutôt réticent de prime à bord.
En inspirant les équipes internes, les sportifs et certains acteurs clés, les autres partenaires et parties prenantes se prennent également au jeu de faire partie d’un événement unique en son genre, jusqu’à en retirer une certaine fierté, qui elle-même alimente l’envie de tous de croire en ce modèle.
En conclusion, défi de changement organisationnel relevé par Paris2024?
En conclusion, Paris2024 a réussi deux exploits: concevoir un nouveau modèle d’événementiel sportif répondant aux défis actuels de notre société et réussir à conduire ce changement d’une main maîtrisée et fluide.
Le bilan partagé par le comité annonce un excédent supérieur à 76 millions d’euros, une première dans le monde des GESI, et en particulier dans l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques.
En dehors d’un bilan financier positif, nous retrouvons un public conquis, des partenaires économiques affichant un solde positif et un héritage sociopolitique durable. Ce modèle, consistant à anticiper les impacts et créer un héritage durable et responsable a conquis l’ensemble des populations, prouvant ainsi la viabilité d’un autre modèle organisationnel, ouvrant la voie à d’autres événements de grande envergure.
Il permet notamment de ne pas sceller aussi rapidement le destin des grands événements, et pousse à l’amélioration continue les futurs comités d’organisation. Si d’autres entités souhaitent reproduire l’exploit, ils pourront s‘appuyer sur les bonnes pratiques instaurées par Paris2024: transparence, sponsorship, anticipation. À elles trois, elles représentent les valeurs essentielles d’une conduite de projet bien mené.
C’est d’ailleurs dans cette dynamique d’innovation que s’engage notre cabinet Argain Consulting Innovation. En proposant un accompagnement au changement adapté et personnalisé aux besoins de nos clients, nous sommes en mesure d’apporter des solutions de pilotage adapté à tous les projets qui nous sont confiés.
Vous avez besoin d’être accompagnés dans un projet simple ou complexe?
Soyez accompagnés par nos experts en performance des projets.